J’ai fait plusieurs collages sur le thème de la maladie et des soins médicaux et celui-ci constitue, pour le moment, une sorte de synthèse. De manière générale, la peinture ne s’est que rarement intéressée à la maladie, ni au malade et à ses états d’âme. Et pourtant, quelle mine de sensations et de situations n’avons-nous pas là ! Quand j’étais enfant, lors de certaines fièvres intenses, j’avais des hallucinations comme les figures de la tapisserie qui s’animent ou moi-même m’élevant de mon lit pour flotter sous le plafond et voyant mon lit tout en bas. Dans ma décennie actuelle, j’ai subi une opération qui m’a fait régresser vers un état où je me sentais perdu, démuni, bref comme un enfant.
Dans cette image, j’ai tenté d’illustrer cet état. Il y a, dans la partie gauche, la manipulation du corps du malade qui semble rétrécir au fur et à mesure des gestes médicaux. Et de l’autre côté, par une ligne de partage qui traverse le corps couché, la partie invisible, ce qui se passe dans la tête du malade : il pense à la mort, à sa compagne éplorée, en regardant par la fenêtre, il perçoit un monde fantastique, inquiétant. Mais tout converge vers sa tête où tout se joue, c’est la partie la plus préservée du malade : son œil voit tout, son cerveau enregistre tout, malgré sa passivité apparente.
Le plus surprenant est que je me rappelle tout cela, mais que j’ai oublié la chronologie des jours et des heures, ce que j’ai pu dire et faire tel jour, comme si le fait d’être dans une chambre d’hôpital avait fait disparaître le temps au bénéfice des sensations et des sentiments. C’est donc sous une forme métaphorique que resurgissent ces souvenirs, à l’occasion d’une photo vue dans un magazine, pendant l’élaboration de ce collage où l’image apparaît petit à petit dans sa plénitude. Et, comme toujours, je suis surpris, presque dérangé par le résultat final : le geste de l’infirmière est-il brutal ? Est-elle en train de rabattre le linceul ? Le malade est-il vivant ou mort ? La partie en noir et blanc figure-t-elle un enterrement ? A qui appartient ce morceau de chair ocre – au malade ou à la personne qui se penche sur lui ? Et que font les pieds et les jambes en l’air ? Des mystères que je ne veux pas, ne peux pas dissiper. L’image reste une énigme, un rébus pour moi-même et de ce fait me fascine encore et encore.
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